Rencontre alumni avec Madame Nancy Al Sabbagh, Associate Banking and Finance chez Liedekerke.

Publié le 15/06/2025

Bio express
Nancy Al Sabbagh

Expérience 

  • Associate Banking and Finance chez Liedekerke

 

Formation

Master 2 Juriste d'entreprise - Université d'Evry Paris-Saclay - Promotion 2020/2021

Alec Szczudlak : Avant d’arriver au Master Juriste d’Entreprise d’Évry, quel a été ton parcours et qu’est-ce qui t’a poussée à rejoindre Paris ?

Nancy Al Sabbagh : Avant d’intégrer le Master Juriste d’Entreprise d’Évry, j’ai effectué une licence de droit général à l’Université de Rouen. Lors du choix de mon Master, j’hésitais entre le droit fiscal et le droit des affaires, mais j’ai finalement opté pour ce dernier en raison des nombreuses perspectives d’évolution qu’il offre, notamment en entreprise. Ce qui m’a particulièrement attirée dans le Master d’Évry, c’est la possibilité de le suivre en alternance, une rare opportunité à l’époque dans le domaine juridique. Cela représentait pour moi un avantage stratégique pour faciliter mon insertion professionnelle.

 

Alec Szczudlak : Si tu devais retenir un souvenir fort de ton passage dans le Master, ce serait lequel ?

Nancy Al Sabbagh : Un souvenir particulièrement marquant est sans aucun doute le concours de plaidoirie auquel j’ai participé avec quatre camarades. Nous avons affronté l’équipe alors détentrice du titre de championne de France. Après des semaines d’entraînement intensif et grâce au soutien constant de nos camarades ainsi que de nos enseignants — notamment Monsieur Pagnerre — nous avons remporté le concours. C’était une immense fierté de représenter avec succès le Master Juriste d’Entreprise.

 

Alec Szczudlak : Ton alternance chez Woodoo était un vrai challenge pour une première expérience : qu’est-ce que ça t’a appris sur toi-même et sur le métier de juriste ?

Nancy Al Sabbagh : Cette première expérience fut effectivement un véritable défi. J’ai intégré Woodoo, une start-up d’environ 10 salariés à l’époque, dont le nombre a doublé au moment de mon départ, en tant que responsable juridique. J’étais seule sur la partie juridique, sans mentor pour encadrer mon travail. Cela m’a poussée à être extrêmement rigoureuse, autonome et proactive. J’ai appris à me faire confiance tout en gardant une vigilance constante sur la qualité de mes analyses. J’étais régulièrement amenée à négocier avec des juristes de grandes multinationales, à rédiger des très gros contrats avec des enjeux se comptant en plusieurs millions d’euros, ce qui m’a confrontée très tôt à des enjeux complexes. Cette expérience m’a montré à quel point le métier de juriste peut être transversal, exigeant de prendre en compte à la fois des aspects juridiques, financiers et techniques.

                                                                                    

Alec Szczudlak : En quoi ton choix d’effectuer un second Master 2 en Banque-Finance a-t-il complété ton profil et ouvert de nouvelles portes professionnelles ?

Nancy Al Sabbagh : J’ai toujours eu une affinité naturelle avec les chiffres, et les cours d’analyse financière et de comptabilité durant le Master Juriste d’Entreprise m’ont particulièrement intéressée. Mon expérience chez Woodoo m’a également conduite à collaborer étroitement avec les équipes financières, ce qui a renforcé mon envie d’approfondir cet aspect. Compléter mon parcours avec une formation en finance m’a permis d’acquérir une compréhension plus fine des enjeux économiques et de renforcer ma polyvalence professionnelle.

Alec Szczudlak : Pourquoi as-tu choisi de t’installer au Congo pour poursuivre ta carrière juridique, et comment as-tu trouvé ce poste chez Liedekerke ?

Nancy Al Sabbagh : J’ai toujours été attirée par l’Afrique, un continent aux multiples opportunités, et plus particulièrement par la République Démocratique du Congo, pays dont je suis en partie originaire. M’installer ici pour débuter ma carrière juridique était à la fois un choix professionnel stratégique et une démarche personnelle, motivée par l’envie de mieux connaître ce pays et d’y contribuer concrètement. La RDC, avec ses vastes ressources naturelles et son fort potentiel économique, constitue un environnement particulièrement stimulant pour les juristes d’affaires. Le bassin du Congo, les secteurs minier, énergétique et agricole en pleine expansion attirent de nombreuses multinationales. Je voulais voir cela de mes propres yeux, et participer à cette dynamique. Par ailleurs, les opportunités y sont souvent plus accessibles et les trajectoires plus rapides qu’en Europe pour les jeunes professionnels. Une amie, par exemple, est aujourd’hui à la tête du département juridique d’une grande multinationale française après sept ans d’expérience ici. Mon poste chez Liedekerke, je l’ai trouvé via LinkedIn. Après un processus de sélection en trois entretiens, j’ai obtenu le poste et déménagé rapidement à Kinshasa. Cette expérience en RDC constitue pour moi une première étape. Mon ambition est de poursuivre ma carrière sur le continent, dans d’autres pays africains, afin d’élargir ma compréhension des environnements juridiques locaux et de développer une expertise panafricaine.

L’Afrique offre un véritable terrain d’opportunités pour les jeunes diplômés motivés et adaptables.

Alec Szczudlak : Quelles sont les principales missions que tu exerces aujourd’hui en tant qu’associée en banque-finance, et avec quels types de clients travailles-tu ?

Nancy Al Sabbagh : Je travaille principalement avec des groupes internationaux et panafricains, mais également avec certaines grandes entreprises locales et organisations internationales. Nos clients évoluent dans des secteurs variés : banque, énergie, aviation, télécoms, mines, construction, etc. L’anglais représente ainsi une part importante dans mon travail, 70% des dossiers étant en anglais. Mes missions incluent notamment la structuration et l’implantation de sociétés (holdings, filiales, SPV), la rédaction de contrats (nantissements, partenariats, M&A…), les due diligence, le conseil stratégique. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la diversité des dossiers. Bien que spécialisée en banque-finance, je suis amenée à intervenir sur des sujets transversaux en fonction des besoins du cabinet. J’ai même eu la responsabilité complète de dossiers de grande envergure – une exposition rarement accessible à ce niveau d’expérience, notamment en Europe.

 

Alec Szczudlak : Le droit OHADA semble occuper une place centrale dans ton activité : quelles sont, selon toi, ses principales spécificités par rapport au droit français ?

Nancy Al Sabbagh : Le droit OHADA présente à la fois une grande originalité et une forte proximité avec le droit français. Il s’inspire en effet largement du modèle juridique français, notamment en droit des sociétés ou en matière de sûretés, ce qui facilite son appropriation pour les juristes formés en France. Cela dit, il se distingue par sa vocation à harmoniser le droit des affaires dans 17 États africains, ce qui en fait un outil unique de sécurité juridique et d’attractivité pour les investisseurs. Ses textes, souvent plus synthétiques que ceux du droit français, nécessitent une certaine souplesse dans leur interprétation. Le rôle du juge y est souvent central dans l’application de certaines règles, ce qui donne parfois lieu à des pratiques jurisprudentielles locales variées. Enfin, le droit OHADA tend à adopter une approche plus pragmatique, en phase avec les réalités économiques du continent, ce qui en fait un droit à la fois vivant, accessible et orienté vers l’efficacité.

 

Alec Szczudlak : Comment décrirais-tu ton quotidien à Kinshasa : ce que tu aimes, ce que tu as découvert ?

Nancy Al Sabbagh : Mon quotidien est agréable et équilibré. Le fait de vivre à proximité du cabinet me permet de gagner du temps et d’avoir une vraie vie en dehors du travail. Je pratique régulièrement des activités sportives comme le padel, le tennis ou encore des cours collectifs comme la zumba ou la salsa. Le week-end, je profite du beau temps pour faire des activités en plein air, des barbecues entre amis ou simplement me détendre à la piscine. J’apprécie particulièrement la qualité des produits locaux, surtout les fruits et légumes. Kinshasa est une ville très festive, chaleureuse, et j’ai découvert ici un vrai sens de l’hospitalité.

Je recommande également de tisser un réseau sur place, notamment via LinkedIn ou les événements professionnels, car les opportunités passent souvent par le bouche-à-oreille ou les recommandations  informelles.

Alec Szczudlak : Quelles ont été, selon toi, les plus grandes surprises, bonnes ou moins bonnes, que tu as rencontrées en vivant au Congo ?

Nancy Al Sabbagh : Professionnellement, j’ai été agréablement surprise par la diversité des entreprises implantées en RDC ainsi que par la complexité des dossiers traités. Je ne m’attendais pas à être impliquée dans des projets aussi ambitieux si tôt dans ma carrière. Les perspectives d’évolution y sont également bien plus rapides qu’en Europe, tant en termes de responsabilités que d’exposition à des sujets stratégiques. Sur le plan personnel, j’apprécie la proximité avec d’autres pays africains, ce qui permet de facilement voyager et découvrir davantage de pays,  et la richesse de l’offre gastronomique : on y trouve des restaurants de toutes cuisines. La disponibilité de services à domicile (ménage, cuisine, chauffeur…) à des coûts abordables permet aussi de mieux concilier vie professionnelle et personnelle et d’avoir suffisamment de temps pour soi. On retrouve à Kinshasa plusieurs grandes enseignes d’habillement et de cosmétiques présentes en France, bien que les prix y soient souvent plus élevés. Le coût de la vie reste globalement élevé, plus qu’à Paris, notamment pour le logement et les produits importés, en particulier les courses en supermarché. Cela dit, ce niveau de vie est généralement compensé par des salaires très attractifs et compétitifs, surtout pour les expatriés.

 

Alec Szczudlak : Pour finir : quel conseil donnerais-tu à un jeune diplômé qui voudrait envisager une carrière en Afrique ?

Nancy Al Sabbagh : Je lui conseillerais de ne pas hésiter à sortir de sa zone de confort. L’Afrique offre un véritable terrain d’opportunités pour les jeunes diplômés motivés et adaptables. Il est essentiel d’être curieux, proactif, et de bien s’informer sur les réalités locales. La capacité d’adaptation, l’humilité et le sens de l’initiative sont des qualités très valorisées ici. Je recommande également de tisser un réseau sur place, notamment via LinkedIn ou les événements professionnels, car les opportunités passent souvent par le bouche-à-oreille ou les recommandations  informelles. Travailler en Afrique permet aussi de développer une agilité professionnelle, un sens des responsabilités et une polyvalence qu’il est parfois plus difficile d’acquérir en début de carrière en Europe – là où les parcours sont souvent très balisés avec des années d’attente avant de pouvoir gérer un dossier en autonomie ou piloter certains de ses aspects. C’est une expérience formatrice, aussi bien sur le plan humain que professionnel, qui peut ouvrir des portes dans toute une région en pleine mutation.